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« J’en ai maaaaarre ! »
Cet énorme hurlement retentit dans la calme maison du Père Noël, les Rennes s’éveillèrent en sursaut, les yeux encore embués de leurs rêves, les lutins interloqués cessèrent leurs jeux de lutins, les sapins enneigés virent leurs chandelle de glace tomber en bruit de verre brisé, tous les personnages de la crèche se retournèrent interloqués…
C’en est assez je fais grève ! Une grève illimitée !
Juste avant les fêtes ça tombe plutôt mal pensèrent tous ceux qui entouraient le Père Noël et se préparaient à organiser la grande tournée annuelle.
Oh Père Noël qu’est ce qu’il t‘arrive ?
Mais le Père Noël boudait grave et ne voulait rien dire…
Finalement Saint Nicolas très diplomate finit par obtenir une explication à son courroux :
Vous avez vu ça : Ils ont mis des sosies de moi partout, tous plus ridicules les uns que les autres, des machins de plastique accrochés aux balcons dans le froid. Dans les grands magasins des gens embauchés juste pour quelques jours sont là pour faire vendre tout et n’importe quoi, dans les publicités.
Ils utilisent mon image pour vendre des voitures, des assurances, et même des produits d’hygiène, pourquoi pas des armes pendant qu’ils y sont.
Partout des gens se déguisent en se moquant de mon ventre, de ma barbe, de ma voix pour faire semblant d’être moi !
Jusqu’aux magasins coquins qui vendent mes habits retouchés court et sexy pour appâter les pervers !
Alors trop c’est trop, ce manque de respect est ignoble, alors j’arrête, et n’essayez pas de me faire changer d’avis non mais j’ai quand même ma fierté bon sang de bon sang !
C’était la catastrophe, pas de Père Noël cette année ?
Mais les commerçants s’en moquaient, au moins leurs pères Noëls à eux étaient bien là et les petits enfants prenaient suffisamment ces déguisements pour la réalité et les tiroirs caisses tintaient à loisir.
Mais pendant que les affaires tournaient à plein régime, il restait quand même un problème, car si plus personne ne croyait au Père Noël parmi les grands, que resterait-il de la magie de Noël dans les yeux des enfants car ils voyaient bien qu’il y avait des Pères Noël partout tous aussi bidons les uns que les autres, alors ils calculaient envers lequel il fallait faire semblant d’être gentil pour avoir le plus de cadeaux possibles. Et leurs listes d’exigences s’accumulaient, faut dire que les tentations étaient d‘autant plus grande que toutes les télévisions apportaient toutes leurs compétences pour attiser les envies.
« As-tu été sage ? »
« Ça dépend, si tu me trouve ma paire de basket super mode ? »
« A noël je descendrai par la cheminée t’apporter des cadeaux »
« Alors attention à ma console de jeux, je ne voudrais pas qu’elle soit salie »
Donc plus de Père Noël cette année juste une énorme mise en scène partout dans la ville de multiples imitations clinquantes saturées de lumière, de rengaines et de réclames.
Père Noël est en grève tant pis, on s’en fêtera bien Noël sans lui !
Mais il restait un petit garçon qui trouvait quand même que les gens n’étaient pas très gentil ce soir de Noël, tous semblaient énervés, ils se disputaient les paquets, râlaient contre la cohue ou les prix, calculaient leurs planning de fêtes familiales devenues parfois des corvées et de sorties au ski.
Le soir de Noël devrait être la fête de la gentillesse, après tout n’est ce pas au chœur de l’hiver que tous ensemble nous fêtons l’espoir, le retour des jours qui grandissent, l’amour entre tous les hommes ? Quelle fantastique hypocrisie collective !
Alors fort triste, ce petit garçon parti de sa maison, il alla se refugier dans sa cabane cachée dans un buisson que lui seul connaissait. En fait de cabane, juste une vielle couverture tendue entre deux branches, un grand carton vide avec des trous genre fenêtre et comble du luxe une vieille boite de bonbons en fer qu’il appelait son coffre fort. Dedans ses trésors :
• Une belle petite perle de verre aux couleurs étranges.
• La petite lettre avec un conte qu’un jour sa maman lui a envoyé.
• Une pièce de puzzle avec le dessin partiel d’un visage.
• Une boule de poil de son vieux chien Pompon, disparu depuis longtemps.
• Son ancien ours en peluche Polo, tout mité et déchiré.
• La pièce de monnaie que son grand père lui avait donnée.
• La seule image qu’il avait gagné à l’école sans savoir grâce à quoi l’instituteur avait dit en ce jour exceptionnel qu’il avait été le meilleur.
• Il gardait aussi cette tablette de chocolat qu’il n’osait pas entamer.
• Et cette boule de sapin de noël qu’il avait chipé parce que le faux Père Noël du grand magasin lui avait dit, attention si tu n’es pas sage tu n’auras rien pour Noël ! Qu’est ce qu’il en savait ce monsieur du magasin, de quoi il se mêle ?
Mais la nuit descendait, le froid était de plus en plus vif, alors le petit garçon se roula dans sa couverture, il accrocha à une branche sa boule de noël, son image dont il était si fier et la pièce de puzzle énigmatique.
Son nez le piquait de glace, il se réchauffa un peu dans la boule de poil du chien Pompon. Il commençait à trembler, il se mit à chantonner en rythmant faisant tinter sa pièce de monnaie sur son coffre fort.
La neige finit par tomber, en silence, et blotti contre son vieil ours en peluche, et lentement très lentement il commença à manger sa tablette de chocolat.
La neige recouvrait tout peu à peu, puis cessa, les nuages s’écartèrent et mille étoiles si discrètes par rapports aux illuminations de la ville transformèrent la nuit en une féérie silencieuse.
C’est alors que le Père Noël, qui voit tout comme chacun sait, se rendit compte que le petit garçon allait mourir de froid, alors sans rien dire à personne il vint le voir, secoua la neige de sa couverture, l’entoura de ses bras, réchauffa ses joues de son souffle chaud, l’embrassa sur le front, et l’emporta dans sa maison.
Il ne lui demanda pas s’il avait été sage, ni ce qu’il voulait, il lui donna sa chaleur, il lui apporta son amour, tout simplement, sans emballages ni rubans dorés. Et le petit garçon sut que vraiment le Père Noël existait, pas celui qu’on nous invente, pas celui des lumières et des musiques, celui tout gentil que l’on connait dans son cœur.
Le temps a passé, et aujourd’hui bien que devenu grand parait-il, le petit garçon est resté ce qu’il était, il savait que le plus important, ce n’est pas ce que les gens sérieux vous racontent, leurs choses, leur argent, leurs décors mais le plus important ce qui est vraiment réel c’est ce que vous êtes dans vos rêves.
Le Père Noël peut bien faire grève, on s’en fout, nous avons, si nous savons le voir, notre vrai Père Noël bien à nous, rien que pour nous, dans nos cœurs.