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Conte de Noël 2011

Route de nuit


Nuit noire et froide, dire qu’ils avaient annoncé qu’à cause de la neige, l’autoroute était fermée, j’ai bien fait de tenter, en fait j’ai du arriver juste au moment de sa réouverture après déblaiement!

Les arbres givrés défilaient au long des interminables kilomètres. Une nuit de noël, seul sur une autoroute totalement déserte, la bise étincèle de reflets métalliques, particules de glace dans les phares. Je change de file plusieurs fois, histoire de rompre la monotonie, de ne plus me sentir quasi immobile.

La fatigue est là, le froid m’engourdit, faut-dire que ma vieille voiture chauffe vraiment mal, la radio ne balance que des rires formatés et des souhaits de fêtes fatiguant à la longue, alors je l’ai éteinte. Dans le silence je préfère me faire ma propre radio, l’imagination n’a qu’une limite, celle de ne pas oser s’en servir.

Mais le voyage mental a aussi un inconvénient, il entraine le sommeil, et au volant, « faux pas » ! Alors histoire de me réveiller j’ouvre grand la fenêtre, une gifle glacée, vitre vite refermée !

Faut pas dormir ! Pourtant je dois arriver avant qu’il ne soit trop tard, j’ai tous les cadeaux de Noël de la famille. Regarde les bornes, que c’est long un kilomètre !

Mes yeux clignotent, de vagues lumières évoque un paquebot au lointain … Que fait-il là ? Une ombre sombre passe dans les phares, ce n’est pas vrai j’ai cru voir un cycliste ! Un arbre peut-être, hallucinations ? Tout à coup de vois de l’herbe à gauche de la route, j’ai changé de file sans m’en rendre compte … Holà, ca devient grave, je dois m’arrêter d’urgence à la prochaine aire…

Tiens la voilà ! Dans la neige s’ouvre comme une invitation, normal ils n’ont déblayé que les voies de circulation ! L’épaisse couche craque et freine la voiture, et me voilà enfin arrêté, dormir, enfin, dormir un peu avant de repartir…

Je suis juste sorti de la voiture histoire de détendre mes muscles engourdis et voilà que la porte s’est refermée ! Et merdre ! Me voilà dans le vent seul sur une autoroute déserte, faut que je trouve une solution, bouger, taper des pieds pour les réchauffer !

« Mais ça va pas non ! Espèce de brute t’a failli m’écrabouiller ! » Un petit nain vert, rouge de colère me traitait de tous les noms. « Excusez-moi je ne vous avais pas vu, bredouillais-je… »

« Et puis d’abord qu’est ce que vous faites là, avec le boulot qu’il y a ce soir, vous n’avez pas honte ! Allez venez ! » Et voilà ce nain minuscule qui m’empoigne et m’emporte de force, il me ceinture dans son traineau fermé et hop m’embarque dans un concert de bruits et de cris pour guider ses rennes.

Et me voici stupéfait dans un grand hall avec une indescriptible activité, une foule de nains et de géants s’active bruyamment, des chaines de montage, des tapis roulants de colis, des portes donnant sur de ateliers immenses, couleurs, lumières, cris, « On appelle le responsable des chocolats au 18éme sous-sol », « Ici, atelier emballage apportez d’urgence du papier cadeau », « ça roule ! » et trois petit nains poussaient en courant un énorme rouleau de papier rouge étoilé au grand dam des autres obligés de vite s’esquiver du passage. « Qui m’a mis ces cheveux blonds sur des poupons noirs ! Allez corrigez-moi ça d’urgence». « Alerte, on manque de roues dans l’atelier des camions pompiers ! » Bizarrement un géant assis à une table s’escrimait à poser des autocollants sur des maquettes d’avions…

Je ne savais plus où donner du regard, mais soudain un souffle de silence et de respect balaya tous les ateliers, « il arrive… »

Alors comme un empereur aimé et vénéré, approche, solennel, le Père Noël avec tous ses anges, pour la dernière inspection avant la tournée. « Alors les enfants tout sera-t-il prêt », «Oui tout sera prêt !» dirent mille poitrines exaltées qui se remettaient à l’ouvrage.

« Tiens qui êtes vous ? Réveillez-vous ! Qu’est ce que vous faites ? »

« Heu, rien de spécial, je suis de passage ! »

« Pas sage ? Ah non, il faut être sage, ici tout le monde l’est sinon pas de cadeaux ! Qu’est ce que vous savez faire ? »

« Je sais juste gérer une … »

« Parfait, foncez organiser l’atelier de répartition des opérations cadeaux ils sont débordés »

Et me voilà propulsé dans un immense hall ou par toutes les portes arrivaient des montagnes de friandises et de jouets, des imprimantes cliquetaient de étiquettes à l’infini, et chacun cherchait pour qui était quel colis, l’étiquetait et hop il l’envoyait dans une gigantesque hotte au centre du hall, qui curieusement semblait sans fond ! Alors je me rendis utile (enfin je crois avoir essayé car tous semblaient fort compétents) j’essayais de mettre un peu d’ordre dans une organisation absente, en demandant au géants de s’occuper plutôt des gros colis, vélos, chevaux à bascule, voitures à pédales, et aux nains des petits colis, parfums, billes ou auto miniatures.

Dans cette fébrilité bruyante, tout s’accomplissait rapidement quand tout à coup un gong lugubre interrompit tout mouvement. « Alerte Alerte Alerte ! Accident grave dans l’usine des papillotes, tout le monde est appelé à l’aide».

Tout le monde se précipite, un immense silo de papillotes venait d’exploser juste au moment du passage du père Noël, et tous se mettent à fouiller pour le retrouver dans un inquiet murmure. Même les lumières semblent s’être mis en berne.

Le voilà ! Un immense cri de soulagement inquiet, un capuchon émerge, « comment allez-vous Père Noël ? » « Doucement, doucement » Peu à peu le majestueux corps du Père Noël émergeait des papillotes amoncelées. « Doucement, attention, ouille, aie, j’ai mal ! » « C’est pas vrai ! Malédiction ! Catastrophe ! Cataclysme ! Calamité ! Le Père Noël s’est cassé la jambe ! »

Tous sont désemparés, « Qui va pouvoir faire la tournée ! » Les nains ne pourront pas soulever tous les colis, et les géants ne passeront pas toutes les cheminées. Il faut trouver tout de suite un grand nain ou un petit géant, la perle rare quoi !

Avec effarement je vois alors tous les regards se tourner vers moi…

« Attendez ! Je ne saurais jamais faire ! »

« Viens là, mon petit, dit le père noël, ils ont raison, il n’y a pas le choix, je vais tout t’expliquer… »

Sans me demander mon avis, les géants transportent le Père Noël blessé dans son bureau, une vraie tour de contrôle ! Et là, assisté de ses logisticiens, il m’explique la tournée, je reste stupéfait de la perfection du plan, pas une maison, pas un étage, pas un sapin n’était oublié, depuis l’igloo du pôle nord, au refuge du pôle sud, en passant par toutes les cases des tropiques et chaque étage des HLM, et même la station spatiale ! Moi qui avait travaillé dans l’organisation des transports je reste stupéfait ! Il y a des leçons à recevoir ! Répartition, transport, sous-traitance, planning tout était en place !

« Normal on recommence tous les ans, on a pris l’habitude ! Fait seulement gaffe aux nouvelles éoliennes plantées sur le parcours! »

« Tout cela en une seule nuit ? » « Faut-dire qu’on triche un peu on a une machine qui arrête le temps ! Ainsi on peut tout faire, seul inconvénient c’est que parfois des enfants immobilisés par le temps gardent quand même une image de notre passage en mémoire ».

« Allez bonhomme, en voiture ! » Dans le hall les rennes tout décorés de lumières, piaffent d’impatience, la lourde hotte est chargée, attachée avec précaution, le grand portail s’ouvre lentement dans un grincement musical, un vent glacial siffle, mille sourires acclament un hourra d’encouragement, l’attelage magique s’élance étincelant dans les étoiles de cette nuit hivernale, mais c’est moi qui tiens les rennes !

Et c’est ainsi que j’ai accompli la vraie tournée du Père Noël cette nuit là…

« Joyeux Noël ! Ca va rien de grave, juste une jambe cassée, il se réveille juste à temps. Oui la voiture est morte mais elle a fait son temps, heureusement on a pu récupérer tous les cadeaux de Noël distribués justes à temps ! Mais faut plus s’envoler sur l’autoroute en rêvassant !»

Dommage…


Page écrite le 20/12/2011 - Mise à jour le

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