Libres réflexions
Questions posées par une éducatrice africaine :
Vos questions soulèvent des réflexions complexes et chacun est convaincu d’avoir la meilleure réponse. Je ne pourrais vous
communiquer que mes propres réponses qui ne seront donc que l’avis d’une personne guère plus compétente qu’une autre et
surtout très éloigné des réalités que vous rencontrez quotidiennement sur le terrain.
1/ Que faut-il apporter aux enfants afin d'avoir une éducation adéquate ?
A mon avis il est important d’offrir aux enfants avant tout, la possibilité de se réaliser eux-mêmes c’est ainsi qu’ils sauront
plus tard construire leur famille, choisir leur métier et contribuer à créer un pays démocratique et accueillant à tous quelles
que soient leurs opinions individuelles.
Leur apprendre à écouter les avis de tous, sans à priori, ni critique préétablie, ensuite bien réfléchir pour comprendre les
différences et se construire sa propre opinion.
Cela nécessité la compréhension du rôle de la tolérance, le goût d’explorer toutes les différences pour élargir son campe
de compréhension de son entourage. Garder un esprit critique qui ne se laisse pas entraîner dans un discours séduisant de quelques
leader à la mode.
Sur le plan éducatif, je sais que les enfants sont ouverts à ces idées mais que très vite, lorsqu’ils ne trouvent pas l’écoute
et l’attention qu’ils attendent, lorsqu’on ne leur propose pas des réponses à leurs questions ou qu’on leur impose des réponses
types, ils se referment et se sécurisent dans des modèles fermés, qui éteignent leur dynamisme et leur originalité personnelle.
Je suis convaincu qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais élèves, mais seulement des élèves que l’enseignant valorise ou dévalorise.
Les enfants jouent souvent le rôle que leur entourage attend d’eux, s’ils sont considérés comme exceptionnels dans leur domaine,
ils auront à cœur de l’être mais si le pédagogue le dit nul dans une activité, il se comportera de même.
2/ Que doivent faire les parents ?
D’abord les aimer, s’occuper d’eux, être présent et répondre à chacune de leurs interrogations, écouter et libérer leur
développement. Mais aussi respecter autant leurs enfants qu’ils souhaitent être respectés eux même. Pour être respecté,
il faut être respectable. Il est important qu’ils définissent des règles et des limites à leurs enfants : La connaissance
de l’interdit permet la connaissance de soi. Faire le mal et avoir mal vont de pair dans l’esprit des tout petits. Ne jamais
frapper un enfant est une règle, mais l’enfant doit savoir quand il dépasse les bornes et un seul petit coup aura d’autant
plus de valeur qu’il sera exceptionnel et surtout bien expliqué.
Les enfants doivent connaître leurs origines pour exister, les parents doivent leur apprendre l’histoire de leur famille,
et de leur culture. Les berceuses, les chansons, les histoires racontées, en distinguant ce qui de l’ordre du réel et ce qui
est de l’ordre de l’imaginaire constituent un environnement riche et constructif pour l’enfant, ses parents ou les adultes
qui l’entourent lui donnent ainsi des outils précieux pour se comporter plus tard dans leur vie.
3/ Faut-il les abandonner en cas de sécheresse économique ?
Si le pays est malade économiquement, si la nature les prive de tout, il n’existe guère de solution à part reconstruire le pays lui-même et les enfants seront les futurs constructeurs du pays. Leur faire comprendre dès qu’ils le peuvent les différentes causes que chacun prétend être à l’origine de ces difficultés, leur montrer les gestes qui améliorent le quotidien et ce qui l’aggrave. Chacun même dépourvu de tout, peut consacrer le peu de temps ou d’énergie qui lui reste à faire un petit quelque chose qui améliore la situation. Chaque fourmi transporte son minuscule brin d’herbe et la fourmilière peut survivre. Mais si chaque fourmi agresse sa voisine ou lui prend son brin d’herbe, la fourmilière ne survit pas.
4/ Que peut être l'apport d'une fondation ou d'une ONG dans l'éducation des enfants ?
Une ONG ne peut rien apporter aux enfants, ce sont à la rigueur à leurs parents ou à leurs éducateurs qu’elle peut apporter
quelque chose, et souvent ce ne sera que des substituts matériels à des carences d’organisation du pays. Pire encore, la
présence de ces substituts prive le pays de la volonté d’agir. Si un pays à faim et que l’ONG apporte du blé, aucun paysan
local n’aura à cœur de faire l’effort de cultiver une nourriture toujours plus coûteuse et parfois moins bonne que la gratuité
des dons reçus. Si par hasard l’un d’entre eux trouvait le moyen de produire à manger, il serait le premier perdant car il
ne pourrait rien vendre face aux dons. Ainsi le pays s’enlise dans une dépendance et un arrêt de ses initiatives dont
générations après génération il ne sortira jamais.
La charité a souvent pour conséquence d’accroître l’écart entre le riche et le pauvre, en motivant le riche qui se sent ‘utile’
et ‘bienfaiteur’ et en démotivant le pauvre qui se sent ‘assisté’ et ‘humilié’.
Voilà les quelques réflexions qu’ont provoquées vos questions… Chacune de ces réponses pourrait amener à un long développement.