Conte de noël 2016.
LE VRAI PERE NOEL.
Ah ça, c’était un vrai père Noël ! Pas un de ces tracés publicitaires avec pleins de cadeaux coûteux qui font envie, pas ce gros
monsieur habillé de synthétique aux couleurs criardes qui se fait prendre en photo avec des gosses dans les bras qui font la queue
dans les supermarchés, pas un de ces père noël en dessins animés qui veulent tous faire le bonheur de tout le monde à coup de gags et de cadeaux…
Celui là était un vrai père noël, dessiné avec toute la maladresse de celui qui veut faire le mieux possible, mais il était dans
les règles avec tous ses attributs, barbe, rennes, chapeau, traineau, étoiles, etc.… En tout cas, il avait ce qui est le plus important :
ce regard qui pardonne aux enfants qui ont fait la grosse bêtise quand ils ont si peur de se faire punir, il avait ce sourire qui rassure
sur la beauté de la vie et ces mains qui consolent dans les pires malheurs.
Car ce n’était pas l’image d’un père noël, mais le père noël lui-même tel qu’il vivait dans l’imagination d’un enfant, avec toute la
spontanéité qu’il pouvait donner.
Qui avait fait ce dessin ? Un petit garçon qui, un jour, lui avait donné une pièce en le regardant au milieu du brouhaha des rues fiévreuses
des préparatifs des fêtes, il l’avait entendu demander à sa maman, « Dis maman pourquoi il est assis par terre ce monsieur, dans la poussière
du trottoir, alors qu'il y a tant de place ailleurs ? »
Mais pourquoi était-il revenu le lendemain, lui apporter ce dessin ?
Sa vie était faite de délires avec des rencontres de passage dans des squats de fortune, de nuits blotti dans des cartons, d’ennui à trainer
dans les rues, de colère contre cette société qu’il rejetait autant qu’elle le méprisait. Travailler ? Pourquoi faire, à quoi bon ? Son ambition
était de s’amuser autant qu’il pouvait et en faire le moins possible, les bourgeois avec leurs bonnes manières hypocrites le dégoutait. Au moins
son chien lui restait fidèle, et comme il réussissait à attendrir les passants cela lui permettait de bouffer plus facilement.
Mais pourquoi ce gosse m’a-t-il donné son dessin ?
Et puis ça m’encombre, que vais-je en faire maintenant ?
La fête de minuit avec ses feux d’artifices, ses cris de joie, ses bandes de jeunes qui s’embrassent et dansent dans les rues il l’avait bien
réussi avec ses copains qui s’était payé une bordée de bouteilles de mousseux et de whisky ! De bonnes âmes leur avaient même fourni de quoi
manger un peu mieux que d’habitude.
Dans ce petit matin de janvier, il ne dormait pourtant pas, frissonnant dans le froid, retourné dans la cache solitaire qu’il s’était trouvé dans un ancien
chantier en attente de décisions.
Tout lui semblait gris, triste, abandonné, en attente, en... Les mots de Gainsbourg tournait dans sa tête « je suis un aquoibonniste » A quoi bon…
De toute façon tout ce que je pourrais faire ne servirait à rien, ce monde est pourri autant en profiter…
Il avait déroulé le grand rouleau de papier à dessin et l’avait fixé pour boucher l’air froid qui traversait les planches, et ce vrai père Noël était lÃ
qui le regardait sans arrêt.
Dans les brumes de l’alcool il entendait ce père Noël lui dire : Qu’as-tu fais de toi ?
Regarde où tu vis, comment tu vis ? C’est ton choix ?
Sais-tu que d’autres sont en train de soigner leurs congénères et même découvrent des médicaments, d’autres inventent des musiques, d’autres
font des voyages, il y en a qui observent les étoiles et vont même dans l’espace, certains gèrent leurs villages, leurs régions et des pays entiers,
d’autres sculptent la pierre et bâtissent des villes modernes, certains retournent la terre et nourrissent des milliers de gens, d’autres encore
transmettent leur connaissances aux enfants qui feront le monde de demain et toi que fais tu de ta vie ? D’autres encore font se tordre de rire
des salles immenses qui payent pour le voir !
Je suis bon à rien, je n’ai aucun métier je ne sais rien faire…
Tu te rappelles ce gus qui faisait des bombages sur les murs et que tu avais croisé un soir qu’il se sauvait devant la police ? Sais-tu
qu’aujourd’hui il est devenu célèbre et les maires des plus grandes cités se disputent pour avoir l’honneur de ses œuvres d‘art urbain ?
Oui, mais lui savait faire des graphes ?
Non comme toi, il ne savait pas au départ, il a seulement appris en regardant les autres et à persévérer dans ce qu’il aimait faire.
Je n’ai pas de don, ni de patience, ni de connaissance…
N'essaye pas d'être comme les autres, sois déjà toi-même puisque tous les autres sont déjà pris…
Je n’aime rien, ni personne… Et personne ne m’aime…
Tu te trompes !
Comment ça ?
Regarde autour de toi…
Son chien était là et le regardait dans les yeux, avec le même regard que le père noël du dessin, qui semblait dire, si ! Il existe un
être qui t’aime et que tu aimes. Et comme il le regardait le chien levait ses oreilles et agitait la queue.
Le lendemain comme si un père Noël le poussait dans le dos, il est allé voir l’assistante sociale, et de ce jour là il remonta la pente, de
petits boulots d’intérim, dans des entrepôts, des cageots de pommes dans une ferme, une responsabilité dans un travail d’inventaire, un poste
de vendeur dans une animalerie, responsable d’un rayon dans une grande surface où il commença à devenir très ami avec une vendeuse…
L’année suivante un monsieur demanda à la maman d’un petit garçon la permission d’offrir la plus belle des glaces, vous savez celle qui a tout,
les cerises, les chocolats, les amandes, les parasols,… dans la brasserie de la galerie marchande, en remerciement d’un dessin.
Celui du vrai père noël.